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Une Si Belle Chute De Reins
(Alexandra Majoral)

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Son souffle est bref, régulier; toutes les dix secondes, ses lèvres s?entrouvrent et laissent passer l?air qu?elle expire. Il s?altère les cinq qui suivent. Je l?observe en train de dormir. Il est midi. Les sirènes, c?est le premier mercredi du mois. Shu respire en gonflant ses poumons. Ses paupières frémissent. Elle s?éveille.
« Il y a toujours des oiseaux, des moineaux, des merles, des rouges-gorges qui viennent se cogner contre la vitre de ma fenêtre. On dirait qu?ils veulent entrer dans la pièce où je me trouve. Comme s?il voulait pénétrer chez moi. Dans ma maison. Par effraction. Il volent sur place avec des battement d?ailes très rapides. Ils heurtent leur bec contre la vitre sèchement. Peut-être avec autorité, peut-être avec la précipitation de celui qui, poursuivi par le danger, crie au secours et cherche un abri.
Un jour, la fenêtre de ma chambre était ouverte. Un pigeon a réussi a s?introduire à l?intérieur. Mais il n?arrivait pas à faire le chemin inverse. Il volait dans la pièce en se cognant contre les murs, contre le plafond. Il était incapable de trouver la sortie. Complètement affolé. Et moi aussi. J?ai horreur des pigeons, ces rats sales avec des ailes, et leurs pattes rognées, rongées par la lèpre. Et puis, il a fini par trouver la sortie. Il avait laissé des plumes grises sur le plancher. Je n?ai pas eu le courage de les toucher avec les doigts. Je les ai ramassées avec des feuilles de papier hygiénique. Le bras tendu, loin devant moi, j?ai jeté tout ça dans la cuvette. Et j?ai tiré la chasse. Fabrice, mon doux amour, toi, tu aurais tout nettoyé, n?est-ce pas, si on s?était connus à l?époque? Fabrice, réponds que oui. »
Fabrice, les yeux grands ouverts, répond que oui, elle n?aurait eu qu?à l?appeler et il aurait accouru à toute vitesse, le visage rougi par le sprint, tout transpirant. Il aurait suffi qu?elle sonne.
« Ma malade.
? Quoi? Qu?est-ce que tu dis? Tu parles si bas.
? Ma muscade, ma camarade, enfant monstre, ma Désirade, ma Shéhérazade, ma moutarde, ma nomade, ma limonade, Pschitt, ma naïade, marmelade, ma monade, ma pommade, ma noyade, ma grenade d?amour. »
Shu rit.
« J?arrive à te faire rire malgré ton état. Y a de l?espoir dans le désespoir. tu peux envoyer un baiser au ciel et le remercier.
? C?est toi que je veux embrasser. »
Elle lui fait des bisous dans le cou qui le chatouillent.
« Arrête tes chinoiseries. »
Shu lui répond dans sa langue monosyllabique qu?elle l?aime plus que la petite orange, kumquat de Chine, qui se mange confite, puisqu?il est plus doux, plus sucré, plus tendre, plus caressant qu?elle. Mandarine. Il est du miel en comparaison. Le miel dont elle est la reine. Dont il est le chevalier servant, celui qui a franchi la Grande Muraille, l?amant mandarin, l?amant clémentin, son amant divin.
Fabrice ne comprend pas le chinois, mais il saisit le sens de la musique. Les sonorités de la langue, l?intonation en disant long. Il déchiffre la signification de ce que Shu lui dit en lisant sur son visage, dans ses yeux et dans sa voix. Il a pris l?air entre veille et sommeil de l?enfant qu?on berce. Ses prunelles se voilent, obscurcies par une nappe de brouillard. Son regard ne regard plus rien de précis. Il fixe le vide. Il se perd dans une rêverie d?huile parfumée.
Shu ne le loupe pas quand elle aperçoit son air bêta. Elle serre la peau de son bras , là où elle est la plus fine, entre ses ongles pour le faire sortir de sa demi-torpeur. Ses doigts sont aussi durs que les mâchoires métalliques d?une tenaille. D?où lui vient cette force ? Elle se moque de lui, de son air perdu dans les nuages.
« Y a de la bagarre dans l?air », lance Fabrice avec le regard de l?Indien qui déterre la hache de guerre. Tomahawk en supermarshmallow.
Shu et Fabrice roulent sur le tapis, enlacés comme un serpent et sa proie. Il luttent corps à corps. Fabrice a le dessus, mais il fait semblant d?être de force égale. Shu est si faible de constitution. Elle ne peut pas faire le poids. Elle est chétive et maigre, d?une transparence maladive, d?une pâleur de fantôme, la chair bousillée par la drogue. La peau tendue sur ses os saillants ; prête à se déchirer à tout moment, cette peau est un tissu soyeux, lisse et parfait, sans aspérité, doux et parfumé. Et silencieux. Trop souvent glacé par cette sueur d?angoisse qui la transperce quand elle doit aspirer la fumée qui apaise les symptômes douloureux du manque. Et certaines parcelles de son corps, cette même peau, jaune xanthine et jeune, sont couvertes de squames comme des écailles, ça et là, aux reflets bleutés. À y regarder de près, une ombre de la couleur du ciel, entre le vert et l?indigo, traverse son visage ou flotte sur ses joues, comme la fumée bleuâtre qui s?échappe de la petite pipe à opium.
Shu se dégage de l?étreinte. Elle se lève. Elle étouffe. Elle ne peut plus respirer. Il faut qu?elle se volatilise, qu?elle se dissolve et s?anéantisse dans la béatitude, le détachement, la jouissance suprême des sens, l?ataraxie artificielle que lui procure l?opium. Shu se précipite vers le petit boudoir aménagé en fumerie, laissant derrière Fabrice seul.
mèches. À la poubelle, Fabrice !



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