La Langue De Statue
(Jacques Gourvennec)
Le mauvais vin La poésie n?est à personne, pas même à son auteur. Elle n?appartient qu?à celui qu?elle touche, celui qui la rencontre? Elle ne s?écrit pas comme un littérateur, un « va en lettres? Elle ne s?écrit pas, pour être lue, comme on boirait du mauvais vin, avec une belle étiquette, à tout miser sur l'esthétique? Ou sur Le style? Ou sur la forme? Et qu?importe le thème ! Pourvu qu'on aime... Pourvu que l?on soit reconnu? Pourvu qu'elle soit lue par des âmes aveugles, soi-disant érudits, du verbe et de la métaphore, toujours présents pour nous faire croire que le génie est inné. Qu?il n?y a pas d?éminence grise chez les Pigmés et que la vérité n?est pas dans la nature, que seul le génie se trouve dans la syntaxe verbambriquée? Celle qu?on vous brandit, dans des lexies ôtées des mots de l?habitude, avare de simplicité, cloquée de rimes infréquentables, bâtie d?incertitudes et de mensonges, comme s'installerait la relation entre le vide et l?incompréhension?
Première règle « La Solitude »? absente de statuts, ou de codes de loi, la poésie ça se distingue, loin des mots distingués, elle ne s?écrits pas dissimulée derrière des mots choisis, pas plus qu?avec la morale? Chez elle, Il n?y a pas de génie, la poésie, ça n?est pas ça. La poésie, c?est celle qui vous empêche de sortir de cette pièce où vous vous êtes vous-même enfermé, ou pour la lire, ou bien pour l?écouter, soit dite ou bien chantée. Celle qui vous tue quelques instants, les yeux rougis? Celle qui vous oblige à vous cacher le temps de revenir à la réalité de ceux qui vous observent? Ceux-là qui vivent là, loin de la poésie, de cette langue de statue...
La langue de statue
La poésie, ou l?art couillon à formuler du désespoir... Un énoncé du pire? Le théorème d?une langue, non officielle, dressé comme un listing du malheur et de la rime? Et qui se prévaudrait académique ! Du verbe... Rien que du verbe, à mesurer du triste? L?ampleur de faux dégâts, enrobés d?écriture, une belle enveloppe? Et ce n?est pas peu dire ! Avec la joie de recevoir et ton plaisir d?offrir? Ce cri que t?exagères, élaborant la larme ? Cette manufacture du mal Cette jurisprudence à la criticature* Ces manquements de tout, doué de suffisance, cette maladie louche? Cette plaie sans blessure, qui sans cesse s?allonge et qui jamais ne s'ouvre. La charité du mal, au brillant dans la tête, qui donne bonne mine, jusqu?au bout d?un crayon? La phrase entre les dents, comme un oiseau blessé, qui ferait les yeux doux Ce chien d?un chien d?aveugle Cette aube d?infini, cette essentielle brume, cet hiver qui meugle Ces souvenirs poisseux d?une bouche encombrée, de formules d?aimer Cette étoile qui dure, au craquant sous ton pas, brillante nuit et jour Un soleil pour témoin qui bave des serrures, aux larmes d?outre nuit. Les yeux mouillés de cendre, aux yeux fermés de l?autre. Les mains comme un refuge, jusqu?au bout de l?ennui Ces mains, plus loin que toi, à bout d?une rencontre Aux parfums que l?on porte où l?odeur s?emmêle, comme une fleur traînée... Le c?ur comme une borne, faite d'os et de chairs... Et d?airain... Et de temps ? Les mots lavés de rien, d'exsude de tendresse où suintent des regrets. Une langue muette? Enfin !Un soupçon de ta lèvre, bavarde dans la tête Un chant de contorsion, qui donne sa parole au mur que l?on dresse. Aux envolées fictives... Au blues en équilibre.Des passages d?oiseau Son air d?altitude à la mine d'azur L'orgasme ventriloque où des gorges figurentDu gris à pleines dents comme du pain béni !Cette ombre qui fût "Je", au sombre qui fût" Moi" !Huant des litanies aux sueurs des angesCette haleine du c?ur Aux bouches crucifiées à l?endroit qui me crie Un soleil verrouillé au tiroir de mes yeuxDes traversées de ciel, d'impossibles chemins La phrase dérisoireDe tant de temps passé, qui sait déjà le temps que durera l?aurore ? De tant de mal écrit, qu?au mal se maquille? Qui sait déjà demain ? De ce temps-là, et qui attend, daes comètes Qui sait déjà la nuit halée pour un sommeil ?« Qui se sait d?une étoile ? »Qui d?autres, à tous ces cris, reviendront pour te voir Qui leur dira que tout était écrit et que je t'aimais bien Quand tout sera fini Qui saura que de l'ÊtreIl n?en restera rien ? ... Rien qu?une langue de statue !* criticature: mot inventé par Léo Ferré : "des tonnes de crachats sur la criticature".....
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