Le « Faust » De Goethele (0) Ses Origines
(Adolphe BOSSERT)
SCHILLER disait, dans une de ses épigrammes, à propos de Kant et de ses interprètes: «Que de mendiants un seul riche peut nourrir! Quand les rois bâtissent, les charretiers ont à faire. Lui-même éprouvait un malin plaisir à jeter aux commentateurs un os à ronger , et il se plaisait même à intriguer ses amis à propos des mystères plus ou moins transparents que contenait son poème. Il ne s?agit plus de savoir ce que LE Faust signifie ? c?est à chaque lecteur à voir ce qu?il signifie pour lui, ? mais sur quels documents Goethe a travaillé, et comment ces documents se sont transformés et renouvelés entre ses mains. Jusqu?ici, on ne connaissait que les éditions publiées par Goethe, le Fragment de 1790 et la Première partie de la tragédie de 1808; enfin l?édition complète et posthume de 1833, préparée par lui. «D?ailleurs, ajoutait Neumann, si Faust avait été un si redoutable magicien, et s?il avait exercé son art à Wittemberg, pourquoi ne trouve-t-on aucune trace de lui dans les écrits de Luther et de Mélanchton?» Au fond, ce qui gêne Neumann, c?est que Faust soit venu en Saxe et qu?il y ait fait des dupes. Cen?est pas son sens historique,c?est son patriotisme local qui est alarmé, etsi seulement Wittemberg pouvaitêtre changé en Wurtemberg, saconscience serait à l?aise. Celui-ci disait avoirconnu un homme du nom deFaust. Cet homme, après avoir étudié la magie àCracovie, errait de ville enville, étonnant et trompant le public. Venu enSaxe, il se vantait d?avoirgagné seul, par ses sortilèges, toutes les victoiresdes armées impériales enItalie. Le lendemain, comme l?heure de midi approchaitdéjà, son hôte, ne levoyant pas reparaître, entra dans sa chambre et le trouvaétendu sur leplancher devant son lit, le cou tordu et la face retournée.Pendant sa vie,ajoute le récit, un démon le suivait toujours sous la forme d?unchien Il existe un autre témoignage, plus ancien et plus explicite, quoiquemoinscomplet, que Neumann ne paraît pas avoir connu: c?est celui deJeanTritheim ou Trithemius, un des hommes les plus savants et les plusconsidérésde son temps, mort en 1516 comme prieur du couvent des bénédictins àWurzbourg.Un ecclésiastique de Bâle, Jean Gast, a dîné avec lui en doctecompagnie, et ilraconte que Faust remit au cuisinier, pour les apprêter, desoiseaux rares,comme on ne les voyait pas dans cette région et comme on nepouvait se lesprocurer à aucun prix; il était aussi accompagné d?un chien etd?uncheval, «probablement des démons déguisés»; le chien prenaitmême, à cequ?on disait, la forme d?un valet pour le servir à tableIci s?arrête la sériedes témoignages directs, ou du moins très rapprochés.Ensuite les récitsdeviennent de plus en plus merveilleux. Les sciencesoccultes, dans lesquellesil se disait le premier des maîtres, ont toujours eudeux sortes d?adeptes, ceuxqui y croyaient et ceux qui en tiraient profit, lesnaïfs et les charlatans.Faust était du nombre de ceux-ci. Il n?avait rien d?unAgrippa de Nettesheim,avec lequel ses contemporains le comparaientquelquefois, et, au fond, il sesouciait peu de savoir dans quelle sphèrerésidaient les esprits qu?ilprétendait soumettre à sa volonté. Le peuple, eneffet, a adopté Faust, tandisque les savants le méprisaient; il l?aidéalisé en beau et en laid, et il areporté sur lui sa vague conscience d?unmystérieux au-delà.Faust est reçudocteur. Dès lors, il ne veut plus être appeléthéologien, mais docteur enmédecine, mathématicien et astrologue. Il a auprèsde lui «un mauvais garçon»,Christophe Wagner, qu?il traite commeson fils, et qui est son aide, sonfamulus. Après avoir sondé lesorigines, Faust veut connaître son siècle etjouir de son pouvoir magique. Ilparcourt l?Europe du nord au midi, porté sur lecheval ailé ou sur le manteaude Méphisto, amusant ses amis et ses convives, dupantle paysan et le seigneur,par des tours plus ou moins innocents. ÀConstantinople, il se présente ausultan comme le prophète Mahomet, «sous laforme et avec les ornementsd?un pape», et il passe six jours dans le harem. Deretour en Allemagne,il est mandéà la cour de Charles-Quint à Innsbruck, et ilfaut qu?il fassevoir à l?empereur «le puissant roi Alexandre de Macédoine etson épouse,dans leur vraie forme et attitude, tels qu?ils furent pendant leurvie».Mahomet couvert du manteau papal, Faust se jugeant digne de siéger auVatican,montrent ce qu?était à ses yeux le catholicisme: une idolâtriedéguisée,une institution de Satan. Le Faust de Spies et de ses successeursn?est pointune de ces figures à la fois très réelles et très idéales danslesquelles sepeint spontanément le génie d?une nation au moment où elle prendconscienced?elle-même; c?est le produit d?un siècle très raisonneur. Il yavaitbien, dans l?ardente curiosité de Faust et dans ses velléitésd?indépendance,les éléments d?un caractère poétique; mais cas éléments ne sedégagèrentque plus tard. Un auteur Wurtembergeois, George-Rodolphe Widman,publia, dansla dernière année du siècle, douze ans après Spies, une«Histoirevéridique des horribles et abominables péchés et vices et desaventuresmerveilleuses et singulières que le fameux magicien et nécromanciendocteurJean Faust a menés jusqu?à sa fin terrible, avec des exhortations utileset debeaux exemples pour l?instruction et l?avertissement des lecteurs15L?ouvrage de Widman contient trois parties et n?a pas moins de 671 pages.
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