Pour parler d'un livre...
Lettres de Max Jacob à Jean Cocteau ( 1919 ? 1944 )
Aux éditions Paul Morihien.
Par Ludovic Simon.
Mieux vaut ne pas trop souffrir d'empathie avant de parcourir ce recueil délicieux, sous peine de souffrir davantage, oh ! rassurez-vous, cette souffrance disparaîtra à la dernière lettre, chassée par celle infiniment plus grande de Max Jacob. La lettre est datée du 24 février 1944 :
Cher Jean,
Je t'écris dans un wagon par la complaisance des gendarmes qui nous encadrent. Nous serons à Drancy tout à l'heure. C'est tout ce que j'ai à dire. Sacha, quand on lui a parlé de ma s?ur, a dit : « Si c'était lui, je pourrais quelque chose ! » Eh bien, c'est moi.
Je t'embrasse. Max
Max Jacob est décédé dans le camp de Drancy quelques jours plus tard, le 5 mars exactement, d'une pneumonie.
Dans la lettre du 25 janvier 1926 il écrit : « On me réclame 657 fr. 25 d'impôts et comme je ne les paie pas, on va venir tout saisir... » et l'on ne pense qu'à pouvoir les lui donner. Dans une autre : « Je fais des gouaches, je prépare un livre de nouvelles stupides pour régler mes dettes Gallimardeuses... » et l'on en veut à Gallimard l'emmerdeuse. Chez moi aussi on peut venir tout saisir, sauf deux ou trois choses dont ce petit livre qui m'arrache tant d'émotions différentes. Je deviens, à peine l'ai-je ouvert, un petit garçon émerveillé à qui l'on donne la chance d'aller, avec Max Jacob tenant ma main, au 10 rue d'Anjou, chez Jean Cocteau. L'espace d'une lecture je suis dans l'intimité d'un homme d'une poésie remarquable qui me fait rencontrer Picasso au coin d'une rue, me fait aller avec lui à Madrid faire une conférence, me parle d'hommes et de femmes dont je regrette l'absence dés le livre rangé sur une étagère : Fauconnet, Jouhandeau, Shaw, Victorien Sardou, Sachs et bien d'autres. Max Jacob est délicat. Il caresse, parfois griffe du bout de l'ongle mais jamais ne fait mal, il y a trop d'humanité en lui et du coup il voit Dieu prés de lui.
Ce recueil de lettres choisies par Cocteau lui-même a le parfum d'une époque qui nous aspire, quand on inspire, tant que j'ai regretté n'être pas contemporain de Max Jacob, Cocteau et les autres, ou peut-être le suis-je mais passe à côté d'eux sans faire attention. Ce livre m'est si cher que je suis persuadé être le destinataire de toutes ces lettres et que j'en héberge l'esprit. Ce n'est pas de la prétention, bien au contraire, je disais devenir un enfant à la lecture de ce livre, ce n'est pas tout à fait cela, en réalité je me fais petit. Les lettres de Max Jacob à Jean Cocteau, c'est délicieux : Délicat et Précieux.
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