Force
(richard gehenot)
Tout commence par une déflagration qui s?entend à des kilomètres à la ronde. Elle effraie les animaux sauvages. Des flamants roses sur ce lac désert, des cerfs dans les bois. L?impact crée un cratère de plusieurs mètres de profondeur. La zone de l?accident est composée de marécages nauséabonds. C?est un endroit hostile où il y a de petits morceaux de terrains peu rentables économiquement. Au fond du cratère, un rocher encore tout fumant rayonne de chaleur. Il se forme un bouillonnement étrange, une lueur bleutée éclaire le marécage. Un objet sort de la masse fondue et reste suspendu à quelques mètres au-dessus du sol. Il hésite sur le chemin à suivre, et s?étonne de ce monde pourvu de végétation. La présence d?oxygène le gène considérablement, cette substance est mortelle pour son équilibre. Heureusement il est protégé par un invisible champ de force. Sa forme sphéroïde lui est ici très utile, il sera difficilement repérable par d?éventuels êtres intelligents. Il émet par intermittence un grésillement presque inaudible. Il n?excède pas la taille d?une petite bille d?acier. Ce monde est si différent, où trouver des points de repère pour sa recherche ? Il ne se souvient plus, peut-être le choc de l?atterrissage l?a-t-il perturbé ? Intérieurement cette chose ne ressent aucune haine et rien dans sa description ne se réfère à un déjà vu. Il y a un imperceptible changement dans la luminosité de la sphère. Une inquiétude se reflète dans le plus profond de son être. Non loin d?ici serpente un chemin forestier. Sur celui-ci on devine l?approche d?un véhicule. Le soleil n?est pas encore levé, et la voiture roule en plein phare. Avec rapidité la chose se fixe sur le toit du véhicule. Il est d?une taille impressionnante à côté de notre voyageur clandestin. L?éclat du sphéroïde cesse, la chose a remarqué que la lumière sur ce monde est mal contrôlée. Un gaspillage énorme d?énergie pour éclairer si faiblement les atomes rencontrés. La chose étouffe une intégrale de surprise, il vient de voir à travers la carrosserie deux êtres. Ils ont comme ses semblables une auréole de conscience. Mais le plus absurde c?est qu?ils sont gigantesques. La quantité d?énergie disponible sur ce monde doit être infinie. Autrement comment expliquer cette diffusion. Le plus absurde est que leur corps est recouvert d?une matière molle et fragile. Leur moyen de communication est un effet mécanique naturel. Une propagation de certaines fréquences de sons. La chose trouve étrange que ces êtres morphologiquement différents n?utilisent pas les ondes magnétiques qui émanent de leur cerveau. Le temps de philosophie terminé le voyageur, inscrit dans ses cristaux de mémoires son premier rapport. Ayant bien canalisé la fréquence des deux cerveaux il essaie d?envoyer un message. Celui-ci se caractérise par un sens qui signifie la paix. Il souhaite seulement qu?ici il ne soit pas synonyme de destruction ou quelques cataclysmes similaires. Pour les êtres qui reçoivent une mauvaise interprétation cela signifie une destruction irrémédiable des cellules cérébrales. Il effectue la connexion. II Jules est de bonne humeur quand David l?interrompt dans ses rêves éveillés. En effet une incompréhensible suggestion n?arrête pas de lui tourner dans l?esprit. - Quoi ? Qu?est-ce que tu racontes, je sais bien que l?on revient d?une sortie mouvementée. Notre euphorie est provoquée par l?alcool ne le dément pas. Mais arrête de me dire cette phrase, ma tête éclate : ? l?esprit est limité dans le temps par cette écorce biologique ?. - Mais moi aussi j?entends un mot bizarre dans mon esprit, mais je ne m?en souviens plus. Il m?a rappelé vaguement un thème philosophique étudié au collège. Mais d?où vient cette suggestion ? Les propos de David sont incompréhensibles pour Jules qui grogne un son inintelligible à l?égard de son compagnon. Il tente de répliquer quand tout à coup la voiture s?arrête privée de toute source motrice. Plus rien. - Mince ! Crie Jules en tapant rageusement sur le volant. Elle sort de révision quelle malchance ! Sans le savoir la raison de la panne se trouve juste à quelques centimètres au-dessus de leur tête. En effet l?envoi du message aurait dut occasionner des séquelles irrémédiables. Au dernier moment l?être a dérivé le conflit que se livraient les cerveaux. La chose a trouvé un palliatif à la folie. Une panne qui occupe l?esprit. - Bon ça va, elle fonctionne dit Jules en saisissant la lampe torche. Il sort précipitamment du véhicule non sans en avoir essayé en vain de redémarrer. David est assoupi. Le sphéroïde traverse sans dommage le toit du véhicule et se pose sur le tableau de bord. Un mouvement doux et indépendant de la gravité anime l?objet qui reste discret. Est-ce un instinct de conservation ou le bruit qui réveille David ? On ne le saura jamais, un faisceau de lumière violette est émis par la chose en direction de David. Il sent son être se vider, la mort certainement l?accueille rapidement. Non ce n?est pas la mort à présent, mais son esprit est enfermé dans ce sphéroïde. Dans son corps un nouvel hôte vient de prendre place. La bille roule et tombe avec un bruit mat. Le nouveau David se penche en souriant, ramasse la bille qu?il jette d?un air indifférent par la vitre ouverte. Il perçoit durant quelques secondes le désespoir de l?âme de David. Arraché à tout jamais de son enveloppe corporelle et désormais dépendante d?une autre volonté. ??. http://histoires.fr.tc
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