Resumo de Saucisson - Toy de Modane

Le Tabordé : 10pages A4
Dans ces contrées vagabondes où Le pluriel se conjugue au singulier, il arrive de rencontrer de drôles de lascars.
Accoudé au comptoir d'un bistrot et, sans se soucier outre mesure du charivari des palabres tumultueuses des faiseurs, refaiseurs, de monde, il lève inlassablement le coude jusqu'à ce que ses sabots, à bascules, le conduisent hors du commun.
- Caisse... Que t'as à me regarder comme ça?
- Rien!... Pourquoi tu portes des lunettes noires? Déjà qu'on n'y voit rien ici!
- Ivoirien.... Toi même!... Je porte des lunettes noires... Je porte des lunettes noires pour pas qu'on me reconnaisse....Voila!
- Ah bon! T'es connu?
Pour toute réponse il éclate de rire et reprend sa besogne.
- Qui c'est cet acrobate?
- Qu'est ce qu'on lui sert?
- Un ballon et... Pas trop fort ... Merci!
- Toi l'malin!... Tu sais... Tu sais ce que c'est qu'un con?
- Non!
- Tu lui offres du Kiravi dans une bouteille d'un château de Saint Émilion et il te dit: " Putain! Il est vachement bon ton pinard!"... Le con y sait lire mais il a pas le goût... C'est ignare!... Et un salaud tu sais ce que c'est!
- Non!
- C'est celui qui met le Kiravi dans la bouteille de Bordeaux et qui dit au con :" Tiens goûte-moi ce nectar. Tu m'en diras des nouvelles!"
Et de rigoler à s'en péter la bedaine, qu'il n'a pas du reste, et de lever son verre de plus belle....
- À ta santé!
- À la tienne!
Il bascule de son tabouret, oscillant, et se dirige, péniblement, vers la porte.
La droite ou la gauche? Tazite la question! Comme se la pose des millions de veaux à chaque élection.
C'est démocratique!
Et pourquoi bougent-elles sans arrêt. Il n'y a pas moyen de choisir. Si tu vises au centre tu te prends le chambranle en pleine poire.
Mais il va se casser la gueule!
- Merci!... J'en tiens une bonne!
Ça pour la tenir il la tient et elle ne risque pas de s'échapper et il en profite pour confier sa vessie à un platane qui n'avait rien demandé.
Le jet finit sur ses chaussures... Enfin, des tatanes nus pieds.
Dreling, dreling, la dernière goutte est pour les pantalons. C'est à grand peine qu'il range ses arguments.
- Tu vas loin? ... Tu veux qu'on t'accompagne?
Il s'arrête net.
- Ma compagne!
Il baisse ses lunettes.
La clarté du regard bleu acier nous gèle jusqu'à l'os. J'ai déjà vu cette tête quelque part!
Mais où?
Et l'autre se marre.
- Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle... C'est pour t'aider! T'as vu la cuite que tu te trimbales!
Et il rigole encore plus fort.
- Tu ne vois pas!... Tu veux m'aider!... Et bien tu vas voir!
Il abandonne ses sabots à bascule, droit comme un I, sa silhouette mince et fragile, crinière blonde au vent, se dirige vers une voiture en piteux états passablement rafistolée.
Une nana est couchée en chien de fusil sur la banquette arrière.
- Pousse ton cul! On a de la visite!
Elle ronchonne, se cale contre la portière laissant admirer son joli derrière.
- Allez! Montez!
On s'entasse, accrochés les uns aux autres, dans la carriole fonçant à tombeau ouvert dans les méandres de la ville, heureusement quasi déserte à cette heure tardive ou matinale, à guetter le choc fatal, rivés sur les phares des voitures qui nous croisent nous éblouissant, décontenancés par la facilité décontractée joyeuse et chantante de notre chauffeur. La nana a changé de position s'étant carrément couchée sur nos genoux. Lui ayant couvert les cuisses et le popotin d'un chandail, nous abordons une route sinueuse de montagne et, par miracle, déserte.
- Il y a vraiment un Dieu pour les ivrognes!
Et encore ce rire infernal.
- T'es un comique toi!... Faudra que j'en parle à mon père!

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