Fis Ou Malheur Algérien! (13)
(Laïd DOUANE)
C?était l?un des chefs de groupes les plus redoutés de la région. Toute la population lui réservait un respect particulier du fait qu?il ne s?en prenait qu?aux éléments des services de sécurité. Bizarrement, je gardais ma lucidité après l?avoir reconnu. C?était peut-être parce que son père était mon ami. A peine ai-je mis les pieds dans la voiture, non sans saluer ses trois occupants, qu'Abou Hamza nous a rejoint ordonnant au chauffeur de démarrer sans se soucier des regards. La rue était tellement encombrée de monde ce jeudi après-midi, que la voiture semblait figée. Je me demandais s?ils n?étaient pas drogués! Abou Hamza s'est retourné vers moi et me dit comme s?il avait lu dans mes pensées: - "Je me demande comment as-tu pu supporter de vivre avec ces veaux? Je ne te connaissais pas comme ça!" Ne voulant pas être vu en bonne entente avec lui par les délateurs, j'ai préféré me taire. Par ailleurs, j?ai pensé à la fuite mais en voyant la police dans un état comateux, j?ai préféré garder mon calme. Et puis, à quoi bon? A l?époque, j?étais presque certain que le GIA était une création pure et simple des services. En y pensant, j?ai imaginé que si je tentais de fuir, je serais automatiquement descendu. Pour autant, j?ai perdu toute notion de critique. Paradoxalement, je n?ai pas eu peur en nous approchant du barrage de la gendarmerie au carrefour sud de la ville. En arrivant près d?eux, j?ai fermé les yeux. A ma surprise, le chauffeur a engagé une discussion avec l?un des gendarmes au sujet de la canicule! Je retiens toujours ces mots que j?ai pu déchiffrer après plusieurs années: - «J'aurais besoin de quelques sacs de gland pour notre bouc, demande le chauffeur.» - Il y en a mais pas mais pas comme la dernière fois. On se verra au marché, maintenant circulez! Ce n?est que dix ans plus tard que j?ai compris qu?il s?agissait de munitions. Cette bonne entente m?avait fait songer à des scènes similaires que j?avais vécues dans le passé récent. C?était, il y avait quelques semaines. Il faisait très chaud. Nous étions ma femme et moi de retour de l'hôpital où elle avait donné naissance à un bébé qui n?avait pas tenu deux jours. Un garçon qu?elle attendait avec impatience depuis son avortement à la suite de mon enlèvement. Et comme j?étais encore assigné à résidence, je conduisais comme un fou pour arriver à l'heure pour me présenter au commissariat de police. En tentant un dépassement dangereux, j'avais remarqué que les occupants du véhicule étaient armés! J?avais tout de suite pensé à"eux". Heureusement que ma femme n?avait rien vu! J?avais réalisé trop tard, que je me m?étais mis dans un pétrin. Je songeais à ce qui arriverait, si c?étaient "eux" et si «eux» gendarmes, à une cinquantaine de mètres plus loin, s'en rendaient compte? Jusqu?à cet instant, je croyais encore que la guerre se jouait entre les combattants de la résistance et les protecteurs du régime! En arrivant, j?ai fermé les yeux. En les rouvrant, je voyais l?impensable; celui qui était censé appliquer la loi s?est redressé à la vue des armes, et nous a fait passer sans faire de différence..
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